« Faute pour le couple d’y parvenir cela passe par l’organisation d’une résidence alternée. »
Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 4, 19 Janvier
2017 – n° 15/14604
Cour d'appel Paris
Pôle 3, chambre 4
19 Janvier 2017
Répertoire Général : 15/14604
X / Y
Contentieux Judiciaire
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 4
ARRÊT DU 19 JANVIER 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/14604
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 201
5 -Juge aux affaires familiales de BOBIGNY - RG n° 14/06357
APPELANT
Monsieur Jérôme, Xavier, Jack J.
né le 13 décembre 1969 à [...]
de nationalité française
[...]
[...]
Représenté par Me Véronique DE LA T. de la SELARL R
ECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au
barreau de PARIS, toque : K0148
Assisté de Me Evelyne H., avocat au barreau de PARI
S, toque : B0362
INTIMÉE
Madame Antonella C.
née le 01 Juin 1968 à [...]
de nationalité française
[...]
[...]
Représentée et assistée de Me Nadia B. C., avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2016, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Thérèse ANDRIEU, Conseillère et Madame Isabelle DELAQUYS, Conseillère , chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne GONGORA, Présidente
Madame Thérèse ANDRIEU, Conseillère
Madame Isabelle DELAQUYS, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Paule HABAROV
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne GONGORA, Présidente et par Madame Paule HABAROV, greffier présent lors du prononcé.
Des relations de Madame Antonella C., née le 1er juin 1968 à [...], et de Monsieur Jérôme J., né le 13 décembre 1969 à [...], tous deux de nationalité, est issue :
- Ornella, née le 12 avril 2005 à [...]
Sur requête de M. J., le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny a par jugement du 22 octobre 2013 :
- dit que l'autorité parentale était exercée conjointement par les deux parents,
- débouté le père de sa demande de résidence alternée,
- fixé la résidence de l'enfant chez la mère,
- dit que le père pourra voir et héberger son enfant à l'amiable et à défaut d'accord entre les parties :
- pendant les périodes scolaires : les première, troisième et éventuelle cinquième fins de semaine de chaque mois du vendredi sortie des classes au dimanche 19 heures,
- pendant les vacances scolaires : la première moitié des petites et grandes vacances scolaires les années paires, et la seconde moitié des mêmes vacances les années impaires, étant précisé que la moitié des vacances scolaire est décomptée à partir du premier jour de la date officielle des vacances de l'académie dans laquelle se trouve l'établissement fréquenté par les enfants,
- condamné M. J. à régler à Mme C., au titre de la contribution à l'éducation et l'entretien de son enfant, une somme mensuelle de 350 euros.
Sur nouvelle requête de M. J. du 28 mai 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny par jugement contradictoire du 5 mai 2015 a :
- débouté M. J. de sa demande de résidence alternée,
- débouté M. J. de ses demandes d'audition de l'enfant et d'enquête sociale.
- dit que chaque partie conservera ses propres dépens.
Par déclaration au greffe du 6 juillet 2015, M. J. a interjeté appel de cette décision.
Le 7 octobre 2015, il a fait procéder à la signification de sa déclaration d'appel et de ses conclusions à Mme C..
Le 29 octobre 2015, Mme C. a constitué avocat.
Dans ses dernières conclusions notifiées en date du 27 mai 2016, M. J. demande à la cour :
- de le recevoir dans ses demandes et y faisant droit :
- d' infirmer le jugement du juge aux affaires familiales de Bobigny du 5 mai 2015 ,
- de modifier dans l'intérêt de celle-ci la résidence de l'enfant, et installer pour la jeune Ornella J. C. une résidence alternée à la semaine, du lundi soir sortie des cours au lundi matin reprise des cours, les semaines paires chez le père et les semaines impaires chez la mère, à compter de la rentrée scolaire 2016/2017, et assortir en tant que de besoin cette décision de l'organisation d'une enquête sociale à engager au bout de deux mois de la mise en place de la résidence alternée,
- de supprimer la pension alimentaire à verser par le père pour Ornella en raison des revenus quasi identiques des parents,
-de faire droit à la demande de désignation d'un psychologue pour Ornella ou prendre toute mesure d'instruction que la cour pourrait juger opportune, à cet effet, - de débouter Mme C. de toute demande plus ample ou contraire,
- de dire et juger que chaque partie conservera la charge de ses frais et débours.
Dans ses dernières conclusions notifiées en date du 12 octobre 2016, Mme C. demande à la cour :
- de déclarer recevable mais inappropriée la demande de garde alternée sollicitée par M. J.,
- de débouter M. J. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Confirmer le jugement du 5 mai 2015.
En conséquence, maintenir les termes du jugement rendu le 22 octobre 2013
- de condamner M. J. à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de le condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par le cabinet B.C..
L'ordonnance de clôture a été prononcée et communiquée aux avocats le 2 novembre 2016. Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur la résidence de l'enfant et le droit de visite et d'hébergement :
Des éléments de la procédure et des pièces produites par les parties, il ressort que le couple parental s'est séparé en 2013, M. J. quittant le domicile familial qui était établi dans une villa appartenant pour partie à Mme C., celle-ci en étant propriétaire indivise avec son père suite au décès de sa propre mère. Le logement est à proximité du collège où est scolarisée l'enfant et celle-ci y a tous ses repères. Au soutien de sa demande de résidence alternée M. J. fait valoir qu'après avoir vécu après sa rupture avec la mère d'Ornella dans un logement de taille modeste qui pouvait éventuellement justifier le refus d'un tel partage de résidence, il s'est installé depuis le mois de mai 2015 dans un appartement plus spacieux dans lequel sa fille a une chambre, offrant ainsi toute garantie de confort matériel, ayant l'avantage d'être lui aussi à proximité de son collège.
Sans emploi pour l'instant, il se dit totalement disponible pour s'occuper de son enfant mais s'engage à organiser son futur exercice professionnel pour être tout aussi disponible en cas de prise en charge de sa fille une semaine sur deux.
Il ajoute qu'il partage de nombreuses activités avec sa fille, laquelle a pu manifester auprès de proches son souhait de passer plus de temps avec lui.
Affirmant qu'Ornella a confié au psychologue scolaire sa souffrance due aux désaccords entre ses parents et aux propos dénigrants tenus par sa mère sur lui, il soutient que sa place paternelle serait rétablie par la mise en oeuvre d'un temps partagé par moitié chez chacun des parents.
Il motive enfin sa demande d'audition de l'enfant et d'expertise psychologique par les difficultés ainsi exprimées par leur enfant.
Mme C. s'oppose à toutes ces demandes en affirmant qu'Ornella n'a aucune difficulté ni mal être, que les relations familiales doivent leurs désagréments à la seule persistance du conflit dans le couple parental.
Elle affirme qu'il n'existe pas de réelle visibilité des conditions dans lesquelles M. J. pourrait prendre en charge leur fille par moitié du temps, une incertitude existant sur son futur emploi.
Elle souligne le comportement insultant de celui-ci à son égard, son non respect de sa place de mère et les difficultés rencontrées pour obtenir paiement de la contribution alimentaire mise à sa charge, autant de manquements paternels qui ne militent pas en faveur d'une résidence alternée dont le succès repose sur une entente entre les parents.
Des pièces produites par les parties il s'établit que les rapports du couple parental restent acerbes, Mme C. multipliant les dépôts de main courante auprès du commissariat pour se plaindre des propos insultants de son ex compagnon ou rapporter des différends sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, autant de plaintes qui n'ont suscité aucune réponse pénale, M. J. produisant divers éléments se voulant être l'illustration du mal être d'Ornella dont l'origine serait du au seul comportement maternel.
Le choix de la résidence de l'enfant s'inscrit à l'évidence dans un contexte où chacun des parents revendique sa place.
Aux termes des dispositions de l'article 373-2-11 du code civil lorsqu'il se prononce sur les modalités de l'autorité parentale, le juge règle en toutes circonstances les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant et doit notamment prendre en considération la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, les sentiments exprimés par l'enfant mineur, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, le résultat des expertises éventuellement effectuées, les renseignements qui ont été recueillis dans le cadre de l'enquête sociale, les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre.
En l'espèce il ressort des éléments de la procédure et des nombreuses attestations produites par l'une et l'autre partie qu'Ornella a toujours vécu dans l'immeuble où elle réside encore avec sa mère, laquelle se montre attentionnée et très présente pour sa fille.
Bonne élève, Ornella est parfaitement intégrée dans son univers scolaire. Ces mêmes pièces établissent qu'elle a plaisir à partager du temps avec son père lequel se révèle attentif et aimant.
Les qualités parentales de l'une et l'autre partie ne sont d'ailleurs pas contestées dans les débats. Ornella n'a pas souhaité être entendue par un juge alors même que M. J. affirme l'avoir informée de cette possibilité.
Elle a cependant pu exprimer à un proche, le père d'une camarade de classe, qu'elle souhaitait passer plus de temps avec son père mais surtout elle a confié au psychologue scolaire de son établissement sa souffrance d'être l'enjeu d'une rivalité parentale.
Le témoignage de ce professionnel, bien que remis en cause par Mme C. qui s'est insurgée de ne pas avoir été informée qu'Ornella avait pu consulter ce psychologue sur la seule demande du père et sans son accord, ne doit pas être écarté, son caractère authentique n'étant pas démenti.
Les propos de ce professionnel rapportent que la priorité d'Ornella est que le conflit entre ses parents cesse, que cessent également les propos dénigrants tenus par sa mère à l'encontre de son père, que cesse toutautant le cloisonnement entre ses deux vies, indiquant à titre d'exemple que sa mère lui interdit tout contact avec son père pendant la semaine, interdiction confirmée par un des témoins de M. J..
Cette frontière instaurée entre les parents est également démontrée par les conclusions de Mme C. aux termes desquelles celle-ci est dans la plainte de ne pouvoir joindre facilement M. J. alors qu'elle critique tout autant le fait que celui-ci se rende régulièrement à la sortie des classes, semblant le regretter, alors que cela pourrait être une occasion pour les parents d'échanger dans l'intérêt de leur enfant.
Une confusion certaine existe dans l'exercice conjoint de l'autorité parentale qui a pour seul objet le bien être de l'enfant. Dans ce contexte la place de chacun des parents doit être rétablie et préservée.
Faute pour le couple d'y parvenir cela passe par l'organisation d'une résidence alternée. Rien ne s'y oppose matériellement, les deux parents disposant d'un hébergement adapté et rien n'indiquant que malgré leur travail actuel ou futur ils seront dans l'incapacité de s'organiser pour prendre en charge alternativement leur enfant.
Il y a lieu de faire droit à cet égard aux propositions de M. J. relatives à l'organisation matérielle de cette résidence partagée.
En considération des nombreux éléments produits aux débats, il n'y a donc pas lieu ni de recourir à l'audition de l'enfant Ornella, qui ne l'a pas réclamée, ni d'ordonner une quelconque mesure d'instruction la cour ayant eu suffisamment d'éléments pour apprécier les mesures à prendre dans l'intérêt de la seule mineure.
La décision entreprise est donc confirmée en ce qu'elle a débouté M. J. de ces demandes.
Sur la pension alimentaire :
Aux termes des articles 371-2 et 373-2-2 du code civil chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses capacités contributives et des besoins des enfants.
Au regard des situations quasi similaires de chacun des parents, même s'il demeure à ce jour une incertitude sur la situation professionnelle de M. J., la suppression de la contribution mise à sa charge doit être ordonnée en raison de la fixation de la résidence de l'enfant en alternance.
Sur les frais et dépens :
Les éléments de la cause ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme C. et la nature familiale du litige commande que chacune des parties conserve ses dépens tant de première instance que d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme partiellement le jugement en date du 5 mai 2015 prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny, Statuant à nouveau :
Fixe sauf meilleur accord entre les parents, la résidence habituelle de l'enfant durant le temps scolaire, de manière alternée, du lundi soir sortie des cours au lundi matin reprise des cours, les semaines paires chez le père et les semaines impaires chez la mère,
Dit que durant les périodes non scolaires l'enfant sera chez son père pendant la première moitié de toutes les vacances scolaires les années impaires et la seconde moitié les années paires,
Supprime la contribution mise à la charge du père,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Rejette toutes les autres demandes,
Dit n' y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie assumera la charge de ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Décision antérieure
5 Mai 2015 14/0635