Bonjour
A/ Merci d’avoir accepté notre demande d’interview.
- Pouvez-vous tout d’abord vous présenter, et indiquer quelle est votre implication dans la lutte pour l’égalité parentale et la défense des droits des papas ?
Pour me présenter, je suis un peu contraint de vous faire une double présentation : celle de notre parcours personnel, à ma fille et à moi-même, puis celle de mon association qui est un des fruits de ce combat personnel.
Ma fille a été emmenée par sa mère polonaise dans une ville du centre de la Pologne lorsqu'elle avait 1 an et demi. Depuis, je me bats pour essayer de faire en sorte qu'elle ait une enfance un peu normale. Qu'elle parle le français, qu'elle connaisse sa famille, qu'elle connaisse la France. Force est de constater que c'est un échec. Ma fille est enfermée en Pologne. Je ne la vois moins de 1 % du temps dans des conditions que je qualifierais de perverses et violentes. Cette histoire est longue et douloureuse et je ne veux pas, non-plus, en parler encore et encore alors que j'ai déjà tant écris. Les personnes intéressées pourront regarder sur le site change.org la pétition à propos de ma fille Annaïs : « Des vacances en France pour Annaïs » (https://www.change.org/p/minist%C3%A8re-de-la-justice-polonais-des-vacances-en-france-pour-anna%C3%AFs). J'y aborde l'ensemble des procédures que j'ai effectuées sans parler des cas de violence physique de la mère envers moi. Parfois devant ma fille. Depuis 2014, je vais tous les mois en Pologne pour voir ma fille.
Ce combat m'a conduit à découvrir un domaine qui m'était inconnu et qui concerne pourtant de nombreux aspects de nos sociétés : L'exclusion parentale et familiale.
J'ai eu une approche d'analyse de ce qui m'arrivait. Ce qui m'a permis de tenir sur la durée. Il s'est surtout agit d'une analyse psychologique que j'ai pu mener grâce, notamment, à de très nombreux ouvrages de psychologues comme ceux de Marie-France Hirigoyen, Jacques Biolley ou encore Claude Halmos. Mon objectif a rapidement été double : trouver des moyens d'aider ma fille à ne pas se laisser enfermer dans cette situation et toutes les conséquences néfastes qu'elle implique pour son avenir et lutter contre les lieux communs qui aboutissent, même en France, à des prises de décisions dangereuses pour les enfants.
J'ai naturellement traversé plusieurs dépressions. L'absence d'un enfant que vous aimez et dont vous voyez l'enfance massacrée, devant vous, sans que personne d'autre que vous n'agisse pour le défendre constitue une violence d'une rare cruauté. Pourtant, ces violences sont aujourd'hui banalisées dans nos sociétés. Malheureusement, très peu de personnes y portent attention. Cela pose question.
Bien que ce soit sujet d'actualité sans aucune relation avec l'exclusion parentale l'affaire Weinstein me semble intéressante à analyser car elle révèle les mécanismes dont pâtissent bien plus largement les victimes dans nos sociétés. Aujourd'hui, bien des médias, des personnalités, des autorités comme les gens de tous les jours, comme vous et mois, abordent le sujet du harcèlement sexuel. Ce dont nous pouvons tous nous féliciter. Cependant, une question intéressante est de savoir pourquoi personne n'en parlait avant ? Pourquoi les victimes, pourtant nombreuses à briser le silence, n'ont pas du tout été écoutées ? Pourquoi tant de personnes qui disent aujourd'hui avoir su, se taisaient avant ? Plus largement, pourquoi faut-il à nos sociétés des événements de ce type pour commencer à aborder un tel sujet ?
Il me semble que la passivité des personnes qui savaient, la culpabilisation des victimes, faites plus ou moins consciemment, les discours qui prétendent que les victimes exagèrent ce qu'elles vivent, le sentiment de bien des acteurs que ce ne serait pas un « grand sujet » ou que l'on en parle déjà assez a participé à maintenir une chape de silence sur des agissements pourtant connus. Tous ces aspects sont des éléments de la même « loi du silence », des aspects de la banalisation du mal. Le milieu du spectacle n'est pas, de ce point de vue, différent du reste de la société. Il se passe les mêmes choses partout. Le mouvement #metoo l'a, s'il en était besoin, à nouveau révélé. De tels mouvements médiatiques, cathartique pour nos sociétés, semblent nécessaires pour que nos sociétés changent. Ces dernières semblent cependant prompte à ne pas vouloir voir trop longtemps leurs propres défauts : L'émotion et l'emballement médiatique retombe toujours. Mais cela n'empêche pas que les choses ont changé. Il y a un avant et un après. L'ampleur des changements dans l'après dépend grandement des comportements individuels et de l'idée qu'il ne faut plus accepter ce que nous acceptions collectivement avant. Une telle crise vient révéler l'inacceptable. D'ailleurs, la passivité générale vient toujours banaliser l'inacceptable. Petit à petit, elle permet aux limites de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas se déplacer. Jusqu'à un point ou une prise de conscience se produit et un mouvement global essaie de ramener les comportements vers la normalité. Bien sur la définition de la normalité est choses difficile. Mais je pense que nous pouvons l'entendre de manière très simple et restrictive comme, avant tout, le simple respect d'autrui. C'est une définition minimaliste mais à la fois, forte et claire.
L'exclusion parentale et familiale est soumise aux mêmes problématiques sociétales. La question est donc de savoir, qu'est-ce qu'il faut à nos sociétés pour aborder enfin cette triste problématique. Qu'est-ce qu'il faut à nos sociétés pour revenir vers le droit, la considération et la protection de l'enfant, le respect de l'autre ? Bien sur, tout le monde et toutes les autorités prétendent défendre les enfants. De la même manière que tout le monde et toutes les autorités prétendaient il y a peu lutter contre le harcèlement sexuel. Il y a toujours une grande différence entre les discours et les actes. Changer nos sociétés vers quelque chose de meilleur, c'est juste rapprocher les deux. Les mettre en conformité.
Il y a en France 1000 suicides de parents victimes d'exclusion parentale chaque année sans que ce soit un sujet médiatique. Nous ne sommes pas égaux devant la dépression.
Pour ma part, du fait de ces dépressions, je me suis entretenus avec de nombreux psychologues et psychiatres dont plusieurs m'ont dit que j'avais acquis une bonne expertise dans le domaine. Fort de mes combats durant toutes ces années et de cette connaissance de nombreux mécanismes psychologiques liée à l'exclusion parentale comme à la construction de l'enfant, j'ai d'abord créé une page sur Facebook « Droit du parent et de l'enfant » (www.facebook.com/droitduparent et http://ddpdde.blog.lemonde.fr/). Cette page est aujourd'hui suivie par près de 7000 personnes. J'ai alors régulièrement écrit à propos des livres que je lisais, des vidéos que je trouvais et qui me paraissaient aborder les aspects psychologiques de la construction de l'enfant en général et dans le contexte de l'exclusion parentale en particulier. J'ai commencé aussi à dispenser des conseils à d'autres parents victimes, avec leurs enfants, d'exclusion parentale. Après quelques années passées à animer cette page, fonder une association avec d'autres parents victimes est devenu un aboutissement naturel. Ainsi est née l'association « Droit du parent et de l'enfant ».
- Avez-vous été confronté de manière personnelle à la gestion de conflits familiaux impliquant des enfants ?
Tout d'abord, il y a conflits familiaux et conflits familiaux. L'exclusion parentale peut être évitée si les deux parents pensent à l'enfant avant tout. Je connais des personnes qui gèrent très bien leur séparation, qui organisent la garde des enfants sans tribunaux ni avocats et pour qui ça se passe très bien. Ce sont des cas plus répandus qu'on ne le croit, mais des cas qui ne sont pas visibles parce que, justement, les choses se passent bien. Dans l'exclusion parentale, il y a forcément un des deux parents qui, prenant le contrôle de l'enfant, essaie de régler un conflit avec l'autre parent, d'une part, ou fait de l'enfant un objet de pouvoir et de plaisir narcissique. Ce, bien souvent, de manière inconsciente. Dans ce type de situation, la médiation à tout prix devient une machine à perdre puisqu'un des parents ne joue pas le jeu. Il faudrait alors imposer les respects des droits de l'enfant. Ce qui est rarement fait malheureusement.
Pour revenir à votre question, j'ai été confronté à la gestion de conflits familiaux pour ma fille d'abord mais dans un contexte de discrimination d'un des parents par rapport à l'autre par certains tribunaux (d'autres ont eu des positions plus égalitaires même si celles-ci n'ont pas été appliquées malgré mes recours à la police).
Par ailleurs, via la page Facebook, j'ai été amené à analyser bien des situations de ce type et à apporter des conseils à des parents victimes d'exclusion.
Lorsque je manifeste pour ma fille, assis sur mon tabouret avec mes deux panneaux, je reste entre 1h30 et 2h30, dans la rue et je prends le temps de parler aux personne qui m'abordent. C'est un long et lent travail de fond que de faire comprendre ce qui se passe. Il se trouve que, pas une seule fois, je n'ai alors rencontré des personnes qui vivaient de telles situation ou qui en avaient vécu. Vous voyez des personnes se décomposer quand ils lisent vos panneaux. Là une jeune fille qui me dit ne revoir son père que depuis 1 ans alors qu'elle avait 16 ans, là une grand-mère en pleur qui m'a dit avoir vécu cela avec ses propres enfants, là un père qui par ses mimiques montrait tout le travail qu'il faisait pour ne pas s'effondrer devant une manifestation qui le renvoyait à la violence que ses enfants et lui-même avaient subis durant des années. Finalement, nous avons parlé et nous avons pleuré ensemble. Ou que vous alliez, dans un lieu public, vous pouvez être certain qu'il y a des victimes d'exclusion parentale. Non pas que ce soit banal - ce sont des situations très graves pour les enfants - mais que ce soit banalisé. Il y a des millions de victimes.
- Que conseillez-vous aux pères qui luttent pour accéder à leurs enfants, face à une justice familiale faible et dysfonctionnante, et à des services sociaux qui prennent parti exclusivement pour les mères, souvent sans ne rien comprendre ??
Tout d'abord, je ne parle pas de « père victime » mais de « parent victime », parce qu'il y a aussi des mères qui sont victimes d'exclusion parentale et que toutes les victimes vivent les mêmes souffrances. Même si les hommes victimes d'exclusion sont très majoritaires : Les nombres souvent entendus sont de 90% d'hommes contre 10 % de femmes. Tous sont victimes.
Je préfère donc parler de « parent exclu », d'une part, et du « parent qui a l'enfant avec lui » ou du parent « contrôlant l'enfant », d'autre part.
Je pense que la lutte contre l'exclusion parentale est une lutte pour l'égalité Femmes-Hommes. Si les femmes se voient statistiquement d’avantage confier l'enfant c'est que nombre de décideurs considèrent qu'elles seraient « plus aptes » que les hommes qui sont souvent catalogués comme démissionnaires et qui seraient « plus aptes » à travailler et rapporter de l'argent. C'est un lieu commun très ancien que tout le monde connaît trop bien : aux femmes les fourneaux et les langes, aux hommes la vie professionnelle. Ce lieu commun qui conduit à la discrimination des hommes dans les affaires familiales est aussi celui qui conduit à la discrimination des femmes dans le monde de l'entreprise ou elle sont payées de 20 à 30 % de moins que leurs homologues masculins à postes et compétences égales. Il s'agit donc bien de lutter pour l'égalité hommes-femmes, d'une part, et de lutter contre les lieux communs des décennies passées d'autre part.
Les mentalités et les comportements ont grandement changés : les hommes s'investissent dans les soins et l'éducation de leurs enfants et les femmes ont des carrières professionnelles. De plus, aucune statistique ne permet considérer que le pourcentage de parent démissionnaire serait plus grand d'un côté que de l'autre. Pourtant, les décisions prises par nombre de services et de tribunaux reposent en grande partie sur de telles représentations au nom d'un « intérêt supérieur de l'enfant » qui vient souvent justifier des décisions pourtant néfastes pour l'enfant lui-même. « l'intérêt supérieur de l'enfant » est un élément de langage. Dans tous les cas d'exclusion parentale et familiale, ce n'est justement pas « l'intérêt supérieur de l'enfant » qui est défendu.
B/ Il y a beaucoup de structures impliquées dans la lutte pour légalité parentale, la défense des droits des pères, etc..
- A votre avis, quelles sont les organisations majeures en place actuellement et susceptible d’avoir un véritable impact au niveau national ?
C'est assez compliqué. Les associations de défense des droits des enfants et des parents victimes d'exclusion sont pléthores. Souvent, les associations sont portées par peu de personnes car les victimes d'exclusion parentale sont dans des situations d'une telle violence qu'elles perdent la majeure partie de leur forces. Certaines, extériorisent la violence subie par des propos peu amène à l'endroit d'institution, de juges, de tribunaux. D'autres, on le voit sur nombre de sites ou de pages Facebook, publie des textes ou des images dans lesquels les femmes sont ciblées, ou le juge, ou la police. Ces publications assez absurdes ne rendent service à personne parce qu'elles se trompent de cible. Tout ceci ne rend pas service au combat de fond, même si les termes employés, souvent outranciers et violent sont tournés vers les personnes ou les structures qui sont elle mêmes responsable d'une grande part des violences subies par les enfants et les parents victimes. Je comprends ces réactions parce que lorsque des personnes ou des institutions détruisent sous vos yeux l'enfance de votre enfant vous avez forcément, pour le moins, de la rancœur envers ces personnes ou ces institutions, d'une part, et parce que tout le monde n'a pas la capacité psychologique pour gérer le niveau de violence inouï qui est alors subit. Je pense que très peu de personnes ont la capacité de faire face à une telle violence. Plusieurs psychologues m'ont dit que j'étais très résistant. Je ne sais pas ce qui m'a fait résistant et, de ce fait, je n'en tire aucune fierté ni prétention. Il serait même plus facile de l'être moins, j'aurais laissé tombé et j'aurai pu vivre durant toutes ces longues années de combat. Vivre dans l'absence et une certaine douleur, mais vivre. Enfin, je suis là, je tiens bon, même si je ne sais pas trop pourquoi, au-delà de l'amour pour ma fille. Je pense que nous ne pouvons pas en vouloir à des personnes qui craquent. Il est si facile de traiter de « démissionnaire » un parent que notre société a détruit. Vous savez, il est toujours plus facile d'enfoncer une victime que d'affronter un bourreau.
Il y a aussi des problèmes d'égos dans toutes organisations humaines. Les associations n'échappent pas à ces problématiques.
Ces différents aspects participent à créer des frictions ou des méfiances entre certaines associations ou certaines personnes à partir de propos excessifs ou mal interprétés, de désaccord sur des interprétations. De plus, il est difficile de mobiliser parce que la majorité des victimes passent par des phases ou elle perdent même une part de l'énergie qu'il leur faudrait pour se protéger elle-même. Très peu de personnes se posent la question de tout ce qu'elles investissent comme actions, comme temps, comme énergie et comme patience pour leur(s) enfant(s). Quand votre enfant vit une situation d'exclusion parentale, peut importe votre propre vie, vous y consacrez toutes vos forces et au-delà. A ce jeux-là, beaucoup s'usent moralement et physiquement. C'est aussi un problème auquel les associations ont bien du mal à faire face. Car c'est un problème qui les dépasse, c'est un problème de société.
Pour revenir aux associations qui peuvent avoir un impact, je pense que SOS Papa a connu bien des difficultés, d'une part du fait de son nom qui « sexualise » le combat mais aussi du fait de son éclatement en nébuleuses des « Sos Papa ». Il y a de nombreux SOS Papa qui n'ont pas exactement les mêmes positions et la même écoute à l'endroit des victimes. Pour en avoir contacté plusieurs, je sais que certaines associations n'apportaient aucune écoute et que d'autre en apportaient beaucoup. Mais on rejoint, là, davantage une question de personne plus qu'une question d'association.
Je connais, par exemple, Delphine Boulois qui, en tant que mère, a été victime, avec son fils, de plusieurs années d'exclusion parentale et qui préside aujourd'hui l'association Ensemble Agissons contre l'Exclusion Parentale (EACEP - https://www.facebook.com/exclusionparentale/). Je pense qu'elle réalise un bon travail notamment via des manifestations (nous en avons faites plusieurs ensemble avec « Droit du parent et de l'enfant ») et via des propositions d'évolutions législatives.
Je pense que toutes ces associations pourraient, si ce n'est travailler ensemble, déjà centraliser l'information et la partager pleinement. Ce serait un premier pas intéressant. Même s'il faudrait un outil spécifique. Les réseaux sociaux ne sont pas pratiques pour cela. Il faudrait développer autre chose.
Dans tous les cas, je ne pense pas qu'il y aurait des « organisations majeures en place actuellement et susceptible d’avoir un véritable impact au niveau national ». Il faudrait plutôt que le plus grand nombre d'associations arrive à se coordonner sur des actions communes, sur des projets communs. Et peu importe la géométrie des coopérations pourvu qu'elles existent. Ensemble elles pourront peut-être obtenir des résultats. Mais pour cela, chaque personne et chaque association doit accepter de ne pas critiquer trop facilement l'autre, accepter les différences des autres et avoir des propos peut-être plus argumentés qu'affirmatif. Je pense qu'il y a aussi une bataille de l'explication et du raisonnement, loin d'une trop grande émotion et proche des arguments factuels et précis, qui doit être conduite.
Il ne faut pas oublier non plus les associations qui se concentre davantage sur les aspect psychologique et la construction de l'enfant. Je pense à l'ACALPA par exemple (https://www.acalpa.info/). Cette association n'a pas vocation à participer à des manifestations mais elle apporte de nombreux éléments de compréhension et de prévention dont les autres associations peuvent s'emparer. C'est un travail de fond nécessaire et incontournable que fait cette association. Je ne peut que leur rendre hommage pour leur travail conséquent et précis.
- D’après-vous, d’où provient la baisse du poids de la parole des pères ces dernières années ?
Je ne partage pas cette perception de la « baisse du poids de la parole des pères ». Je pense que dans les affaires familiales, la parole des pères a toujours été assez peu écoutée et que, au contraire, il y a une petite évolution positive. Mais celle-ci n'est que le résultat de certains juges qui abordent ces problématiques de manières plus neutres et d’avantage en pensant à l'intérêt de l'enfant.
La parole des femmes dans les entreprises n'est pas encore assez entendue. Mais là aussi les choses changent. C'est le même combat. Il ne faut pas oublier que les femmes n'ont obtenu le droit de travailler et d'ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari qu'en 1965. C'est très récent. A l'époque aussi, les hommes s'investissaient assez peu dans l'éducation des enfants, même si c'était déjà en train de changer. Tout ceci à radicalement changé aujourd'hui dans notre société et les hommes s'investissent à une écrasante majorité dans l'éducation et les soins portés aux enfants. Cependant, bien des institutions demeurent conservatrices à propos des affaires familiales et des idées qui doivent sans doute remonter à 1965 et avant ont malheureusement encore de beaux jours devant elles. Certaines théories essaient même, sous couvert de psychologie, de redonner vie à cette répartition des rôles entre la mère et le père. C'est assez classique de la part de mouvements conservateurs. De la même manière qu'il y a des créationnistes qui essaient de donner à leur discours religieux l'apparence de la science, certains mouvements qui défendent l'idée d'une meilleure capacité de la mère à s'occuper de l'enfant construisent des théories pour ré-étayer des idées pourtant largement remise en question depuis longtemps. Je pense par exemple à la théorie du « primary caregiver » ou « adulte primo-fournisseur de sécurité » en français.
Un jour sans doute, l'égalité entre les parents paraîtra aussi évidente que la liberté des femmes à ouvrir un compte en banque et à travailler. Mais il faudra du temps. La question que je me pose est de savoir, dans l'intervalle, combien de vie d'enfants et de familles entière seront encore détruites dans l'indifférence quasi-générale ? Il serait bon d'accélérer le mouvement pour que les choses changent plus vite. Mais comment ?
- Comment pourrait-on créer une « bourse des idées » afin de lister et d’établir les propositions les plus utiles et plus populaires ?
Je ne sais pas si une bourse aux idées est une bonne chose. Après tout dépend ce que vous entendez par « bourse aux idées ». Nombre de projet existent comme d'avoir plusieurs juges, hommes et femmes, pour chaque affaire aux affaires familiales, ou de mettre en place des groupes de jurés citoyens, mixtes également. Définir la garde alternée comme mode de base est aussi une bonne option. Toutes les critiques que j'entends à propos de ce mode de garde sont tout à fait applicable aux autres modes de garde majoritairement mis en place aujourd'hui.
Il serait aussi intéressant de mettre en place des services de soutien pour gérer les séparations qui se passent mal et accompagner les deux parents. Les aider à recréer un espace de communication pour l'enfant mais aussi leur donner des idées pour aider leur enfant quand il va de chez un parent à chez l'autre. Dans tous les modes de garde c'est un moment qui doit faire l'objet d'un accompagnement par les deux parents. Ces services d'aide permettraient aussi de noter des indicateurs d'exclusion parentale.
Enfin, il faut aussi faire évoluer la législation et la formation des forces de l'ordre pour que toutes les décisions de justices des affaires familiales soient pleinement appliquées. Quand un père se trouve contraint d'entamer une grève de la faim, de la soif et d’un traitement médical qu'il doit suivre juste pour que les autorités fassent appliquer une décision de justice, je pense que l'on peut raisonnablement émettre l'hypothèse qu'il y a un gros problème (source : http://www.centrepresseaveyron.fr/archives/un-pere-entame-une-greve-de-la-faim-devant-le-commissariat-de-rodez-DECP978193).
- Que pensez-vous de l’idée de créer une Confédération des Défenseurs de l‘Égalité Parentale, qui permettrait à toutes les structures de garder leur indépendance et leurs spécificités locales, mais de se regrouper pour devenir force de proposition auprès de nos élus ?
Tout ce qui peut donner une visibilité globale au combat qu'il convient de mener pour les enfants et leur famille est bon à prendre. Cependant, qui dit confédération dit association. Il me semble que le poste de président d'une telle structure pourrait faire l'objet de convoitise comme cela arrive dans nombre d'associations. Une telle confédération devrait me semble-t-il être dirigée par un conseil large, ouvert et le poste de président y être minimisé. Mais c'est déjà, là, une réflexion sur des statuts. Je serais bien volontiers acteur d'un tel débat, ayant déjà écrit les statuts de plusieurs associations. Il y a, me semble-t-il, quelque chausse-trappe à éviter et sans doute, aussi, quelques point problématiques que je ne vois pas et que d'autres intervenants pourraient soulever. Donc, il faudrait déjà des rencontres ouvertes entre les associations intéressées.
- Avez-vous quelque chose à rajouter en plus de ces questions ?
La chose qu'il ne faut jamais oublier est que l'exclusion parentale et familiale constitue une maltraitance de l'enfant. Nombre de décisions de justices participent à de telles maltraitances quand d'autres arrivent à éviter ces souffrances à l'enfant. Par ailleurs, lorsque des autorités ne font pas appliquer le droit d'un des parents, conformément à une décision de justice, elles privent aussi l'enfant de nombre de ses droits. Car en effet, les droits de l'enfant d'une part, et du parent d'autre part, sont indissociables. Ne pas respecter l'un, c'est ne pas respecter l'autre. Et vice et versa.
Les autorités qui n'appliquent pas certaines décisions participent alors, pour leur part, à la situation de violence subie par l'enfant.
Il convient que chacun ait conscience de cela et ne l'oublie jamais. On peut en vouloir à des institutions de ne pas bien se comporter, mais ce n'est pas en leur renvoyant à la figure la violence qu'elles participent à faire subir aux victimes et en premier lieux au enfant, qu'elles changeront.
Il faut sans doute davantage soulever ces problèmes et, inlassablement, questionner : Pourquoi n'appliquez vous pas cette décision pourtant prise par un tribunal ? Pourquoi tel ou tel tribunal ne s'émeut pas de ne pas voir ses propres décisions non appliquées ? Pourquoi ne vous inquiétez-vous pas de constater que tel ou tel enfant ne voit quasiment plus un de ses parents ? Etc.
Cela touche aux fondements mêmes de nos sociétés.
* Qu'est-ce qu'est la notion de justice si les décisions prises par les tribunaux ne sont pas appliquées ?
* Qu'est-ce qu'est la notion de justice si des textes pourtant en vigueur n'inspirent pas les décisions de certains juges ?
L'exclusion parentale porte dans tous les cas atteinte au droit de l'enfant tels que définis dans la convention internationale des droits de l'enfant. Que certaines décisions de justice participe en partie à de telle situation pose donc question. Surtout quand dans le même temps, d'autres juges prennent des décisions conformes au droit.
Merci, et nous vous souhaitons une excellente journée...
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Gaël Coste-Meunier mène l’association « Droit du parent et de l'enfant » (DDPE), dont la page facebook https://www.facebook.com/droitduparent/ est suivie par plus de 7000 personnes. Le blog correspondant est visitable sur http://ddpdde.blog.lemonde.fr/ .
Vous pouvez le suivre sur https://twitter.com/galcoste.
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