Comme nous l’avons écrit dans un précédent billet, lors de la conférence NPO-ICSP Boston 2017, Linda Nielsen a proposé une analyse des recherches sur la résidence alternée. Elle vient d’en publier le résumé dans son blog de l’Institut des Études Familiales.
Elle compare la situation de résidence pleine chez un parent (RP) à celle de résidence alternée (RA). Pour elle, la résidence alternée débute lorsque l’enfant peut passer au-moins 35% de son temps avec un de ses parents. En France, du fait de la longueur des vacances scolaires, cela correspond à l’arrangement « un week-end sur deux, étendu au moins à une nuitée et un jour la semaine sans week-end, plus la moitié des vacances scolaires. »
Elle se demande si le bienêtre de l’enfant est meilleur en RP ou en RA. S’il est meilleur en RA, elle se demande si c’est parce que les parents ont de hauts revenus, peu de conflits, plus de coopération dans l’éducation et qu’ils sont volontaires pour ce mode de résidence.
Pour répondre à ces questions, elle étudie les résultats de 54 recherches publiées, en complément de sa plus récente étude (voir notre billet du 3 mai 2017). Ces résultats ne concernent pas les familles dans lesquelles les enfants subissent des abus ou de mauvais traitement avant la séparation des parents. Cette nouvelle étude met en lumière 10 résultats surprenants à propos de la résidence alternée.
Dans le cas général, la résidence alternée est le meilleur arrangement pour l’enfant
1- Dans les 54 études, portant sur des familles ordinaires, le bienêtre des enfants en résidence alternée (RA) est meilleur que celui des enfants en résidence pleine chez un seul parent (RP). Ce bienêtre inclut les résultats scolaires, l’état émotionnel (anxiété, dépression, estime de soi, satisfaction de sa vie), les problèmes de comportement (délinquance, mauvais comportement scolaire, agressivité, drogue, alcool, cigarette), la santé physique, les maladies liées au stress, ainsi que les relations avec les parents, beaux-parents et grands-parents.
2- Les bébés et jeunes enfants en RA n’ont pas un niveau de bienêtre plus mauvais que ceux en RP. Pour les très jeunes enfants, passer des nuitées chez les deux parents ne fragilise pas le lien avec chacun des deux parents.
3- Le niveau de conflit des parents peut être contrôlé par les études statistiques. A niveau de conflit égal, les enfants en RA ont un meilleur niveau de bienêtre que ceux en RP. Le niveau de conflit des parents n’est donc pas une excuse pour interdire la résidence alternée.
4- A niveau de revenu égal, les enfants en RA ont également un meilleur niveau de bienêtre que ceux en RP. La résidence alternée est donc bénéfique dans tous les milieux sociaux.
5- Les parents en RA n’ont pas vraiment de meilleures relations de coparentalité. Ici encore, la coopération des parents ne fait pas la condition de choix ou de réussite de la résidence alternée.
6- Beaucoup de parents en RA n’étaient pas volontaires pour cet arrangement au moment de la séparation. Dans la plupart des études, un des parents était opposé à la RA et cet arrangement a été imposé comme solution de compromis, suite à une médiation ou à une négociation. Même dans ces situations où la résidence alternée n’est pas choisie volontairement par les deux parents, le bienêtre des enfants est meilleur que ceux en résidence pleine.
7- Quand les enfants sont exposés à un conflit parental de haut niveau, même avec violence physique, le niveau de bienêtre des enfants en RA n’est pas pire que ceux en RP. Le conflit des parents, même élevé, n’est pas plus dommageable en résidence pleine ou alternée.
8- Maintenir des relations fortes avec les deux parents, en vivant en RA, permet de surmonter les dommages créés par le haut conflit des parents ou par leur faible coparentalité. Les effets négatifs ne sont pas éliminés mais ils sont réduits, au niveau du stress, de l’anxiété et de la dépression.
9- La plupart des parents en RA ont peu de relations de coparentalité et vivent plutôt des parentalités parallèles. Ils ne coordonnent pas vraiment leurs manières de vivre avec les enfants ou ne s’efforcent pas plus que d’autres à adopter des styles parentaux compatibles.
10- Aucune étude n’a montré que les enfants dont les parents portent leur conflit en Justice ont un bienêtre inférieur à ceux dont les parents ne vont pas en Justice.
Réfuter les idées reçues sur la résidence alternée
Linda Nielsen attire aussi notre attention sur la tendance au woozzle, c’est-à-dire au fait de prendre des petits bouts de résultats puis de les tirer de leur contexte de départ et de les diffuser puis de les rediffuser sans arrêt. A force d’être répétés, ces extraits de résultats et ces citations sorties de leur contexte deviennent des vérités qui bloquent les évolutions.
Le mot Woozzle vient de l’histoire de Winnie l’Ourson qui tourne en rond autour d’un arbre et qui, en voyant de plus en plus de traces dans la neige, conclut que le Woozzle existe puisque les traces sont bien visibles, alors que c’est un personnage qu’il a inventé lui-même.
Un woozle récent consiste à citer une étude de 2013 conduite en Virginie. Cette étude prétend guider les décisions des juges mais, comme elle ne porte que sur des familles ayant de graves problèmes sociaux et économiques, elle ne peut les aider que dans ces cas extrêmes. Dans les faits, certains s’en servent pour parler du cas général.
http://summit4u.org/residence-alternee/10-resultats-surprenants-sur-la-residence-alternee/